Les Grillades

Les opérations culinaires effectuées par la Grillade sont classées au premier plan de celles dites de concentration.
En effet, dans la plupart des cas, le premier point à atteindre est de concentrer à l'intérieur du morceau de viande en traitement, les sucs et jus, ou principes nutritifs des substances cuites de cette façon.
La Grillade, qui est en somme un Rôti à feu libre, représente pour nous l'extrême point de départ, la genèse de l'Art culinaire.
C'est la prime idée surgie en d'arides cerveaux, le progrès naissant du désir instinctif de mieux manger, le premier mode employé pour la cuisson des aliments.
Un peu plus tard, conséquence logique de ce premier essai, de la Grillade naquit la Broche et déjà, en l'instituant, l'intelligence se substitue à l'instinct, la raison déduit des conséquences, l'expérience tire des conclusions ; et la cuisine s'engage alors dans la voie où, depuis lors, elle continue sa marche ascendante.


Le combustible de la Grillade.

Celui qui est le plus communément employé, et le meilleur assurément, c'est la braise ou le petit charbon de bois. Il importe que le combustible, quel qu'il soit, ne contienne aucun élément susceptible de produire de la fumée, lors même que le feu de la grillade est activé par une ventilation puissante qui entraîne cette fumée au dehors.
A plus forte raison quand, ce qui est très rare pourtant, on doit créer un tirage artificiel si le feu de la grillade brûle à l'air libre ; car si les fumées produites par des corps étrangers, ou par la graisse qui tombe sur les charbons embrasés, n'étaient pas chassées par une ventilation artificielle, ou entraînées par un fort tirage naturel, elles donneraient infailliblement un mauvais goût aux objets grillés.
Cependant, le calorique de la grillade peut être fourni par d'autres combustibles, et nous ne faisons nullement preuve d'absolutisme à ce sujet. Nous disons, au contraire, que tous sont bons quand ils sont utilisés judicieusement.


La Paillasse.

La disposition de la Paillasse, ou foyer calorifique de la Grillade, a une certaine importance.
Elle doit être réglée, non seulement selon la nature et le volume des objets à griller ; mais encore, de façon à pouvoir activer ou diminuer l'intensité calorifique selon les circonstances.
En conséquence, la Paillasse doit être disposée en couche égale sur le centre, mais d'épaisseur variable, selon que l'intensité du feu doit être plus ou moins forte ; et un peu plus relevée sur les côtés frappés par l'air, de façon à maintenir sur toute la surface embrasée et utilisée, un parfait équilibre calorifique.
Le gril doit toujours être posé à l'avance sur la paillasse et bien chaud quand les objets à griller sont plaeés dessus ; autrement ils s'attacheraient après les barreaux, et on risquerait de les détériorer en les retournant.


Division des Grillades.

On peut les diviser en quatre genres, dont chacun réclame des soins particuliers. Ce sont :
  1. Les Grillades de Viandes noires (Boeuf, Mouton et Gibier) ;
  2. Les Grillades de Viandes blanches (Veau, Agneau et Volaille) ;
  3. Celles de Poissons ;
  4. Celles dont les éléments sont simplement chapelurés, ou panés à l'anglaise.


Grillades de Viandes noires.

Dans la conduite de la Grillade, le point de départ repose tout entier sur l'observation du degré de température qu'il convient d'appliquer à chaque objet.
Plus cet objet sera volumineux et chargé de principes nutritifs, plus son saisissement, c'est-à-dire son rissolage extérieur, devra être fait vivement et fortement.
A l'article des Braisés nous avons expliqué le rôle et l'utilité du rissolage, mais il est nécessaire d'y revenir en ce qui concerne les Grillades.

S'il s'agit de grosses grillades de viandes noires, comme Boeuf et Mouton, l'enveloppe rissolée devra être d'autant plus résistante que ces viandes seront d'excellente qualité et, partant, chargées de sucs.
La poussée de ces sucs contre l'enveloppe rissolée sera d'autant plus violente qu'ils seront plus abondants, et cette poussée augmentera au fur et à mesure que les jus s'échaufferont.
Si le feu de la Grillade est bien réglé pour assurer la pénétration progressive de la chaleur dans l'objet en cuisson, il se produit ceci :

C'est alors que cette pièce est retournée sur le gril et que le même processus de cuisson recommence du côté cru, jusqu'à ce que les sucs refoulés par en haut et arrêtés par la surface grillée la première, traversent celle-ci en formant de petites perles de sang qui indiquent l'à-point de cuisson.

Il s'indique que, si le morceau à griller est très gros, l'intensité du feu doit être diminuée aussitôt que la formation de l'enveloppe rissolée est obtenue, afin d'assurer la pénétration progressive de la chaleur dans l'intérieur du morceau.

S'il s'agit de viandes grillées dont l'épaisseur est relativement petite, un saisissement à feu ardent, et quelques minutes de cuisson ensuite, suffisent pour les mettre au point. Dans ce cas, point n'est besoin de modérer l'intensité du feu.
Exemple : Un Rumpsteak ou un Chateaubriand devront, pour être amenés sûrement à leur juste point de cuisson, être fortement saisis d'abord pour la formation de la couche rissolée, barrière opposée à la sortie des jus, et conduits ensuite à feu plutôt modéré, pour que la chaleur, en les pénétrant progressivement, assure la cuisson de l'intérieur.
Les petites pièces, comme Tournedos, Petits Filets, Noisettes, Côtelettes, peuvent après le saisissement rigoureusement obligatoire, être maintenues à la même intensité calorifique, parce que l'épaisseur de viande que doit pénétrer la chaleur est moindre.


Soins à donner aux Grillades pendant leur cuisson.

Avant d'être posées sur le gril, les viandes doivent être largement enduites au pinceau avec du beurre clarifié ; elles doivent être encore fréquemment alimentées de même beurre pendant leur cuisson afin de prévenir le dessèchement des parties en contact avec le feu.
Une viande noire grillée doit toujours être retournée avec une palette ou, mieux, avec des pincettes spéciales ; mais on doit s'abstenir de la piquer, car ce serait détruire volontairement toutes les précautions prises, en ouvrant un passage facile aux jus de l'intérieur.


L'à-point de cuisson.

La cuisson d'une viande noire se constate ainsi :


Grillades de Viandes blanches.

Le saisissement violent qui est de rigueur pour les viandes noires, ne l'est pas du tout pour les viandes blanches ; attendu que, dans celles-là, il n'y a pas à se préoccuper d'assurer la concentration de jus qui n'existent que sous la forme albumineuse, c'est-à-dire de jus en simple voie de formation, comme dans le Veau et l'Agneau.
Pour ces sortes de grillades, le feu doit être modéré, afin d'en assurer en même temps la cuisson et la coloration extérieure ; et elles doivent être fréquemment arrosées de beurre pendant leur cuisson afin de prévenir le dessèchement des parties extérieures. On reconnaît qu'elles sont cuites à point, lorsque le jus qui s'en échappe est complètement blanc.


Les Poissons gri!lés.

Qu'ils soient petits ou gros, la cuisson des poissons grillés se fait à un feu plutôt modéré, après les avoir largement arrosés de beurre ou d'huile, et en les arrosant encore fréquemment pendant leur cuisson.

On reconnaît que la cuisson d'un poisson grillé est à point, lorsque la chair se détache facilement d'après l'arête.
Sauf les poissons à chair grasse, comme Maquereaux, Rougets, Harengs, etc., les poissons doivent être d'abord roulés dans de la farine, puis arrosés de beurre fondu, ce qui a pour but de les envelopper d'une croute dorée, qui les empêche de sécher et les rend plus agréables à l'oeil.


Grillades d'éléments chapelurés, panés à l'anglaise ou au Beurre.

Ces grillades, ne comportant généralement que des objets de petit volume, doivent être conduites à feu très doux, afin d'obtenir simultanément la cuisson de l'objet et la coloration de l'enveloppe de chapelure, ou d'oeuf et de mie de pain combinés.
Elles doivent être également arrosées assez fréquemment de beurre clarifié, et retournées avec précaution pour ne pas détériorer l 'enveloppe dont le but est de concentrer à l'intérieur les sucs des objets grillés.